La vie sur un fil
Moi
qui me plains sans cesse de n'avoir le temps de rien, me voici en ce
moment-même avec une bonne heure à tuer, et ce temps soudain vide me
paralyse. Je devrais être en cours et je suis là, comme désoeuvrée,
face à mon ordi. J'attends. J'attends que l'heure tourne et que soudain
il faille se précipiter, lever MamzelleLilise, la faire un peu manger
et donc lui faire avaler ses médicaments qui sont censés l'aider à
manger justement, la changer, l'habiller, l'emmener. Puis attendre,
encore. Attendre que notre tour vienne chez le médecin. Pour le moment,
l'inquiétude me ronge et m'empêche de faire quoi que ce soit d'autre
que d'attendre.
Cela fera bientôt 5 mois que MamzelleLilise a
rejoint notre monde plus tôt que prévu, et cela fait 5 mois que nous
apprenons que vivre avec un préma c'est comme de vivre sur un fil :
l'équilibre est difficile à trouver, on croit qu'on prend de
l'assurance et puis non, un tout petit dérapage remet tout en question.
On avance lentement puis on s'arrête longuement, on repart parfois un
peu en arrière, puis on reprend confiance, on avance à nouveau, on
oublie qu'on est sur un fil, on respire mieux et soudain un pied qui
glisse nous rappelle à la réalité et à la patience.
Les apparences sont trompeuses car MamzelleLilise a bien changé durant ces 5 mois, sa toute petite tête notamment a pris du volume
mais
ses joues rebondies n'empêchent pas son petit corps de rester tout
fragile et tout immature à l'intérieur et elle ne sait pas encore qu'il
n'est pas normal de souffrir. Elle se plaint rarement mais on sait à
présent qu'elle souffre chaque jour. Alors on s'en remet à la médecine,
qui ne fait pas de miracle, et on attend. On attend des jours meilleurs
et on essaye de rendre les plus heureux possible chacun de ceux qui
passent.