Reconquête
J'ai
longtemps englouti plusieurs livres chaque semaine. Et puis ma vie a
changé, j'ai commencé à être deux, puis trois, puis quatre ... Plus je
me multipliais, moins je lisais. Un jour, je me suis rendue compte que
le goût de la lecture (j'entends de celle qui se conquiert, de celle
qui fait peiner mais qui rend heureux, bref de la littérature)
me quittait peu à peu, chassé par des (pré)occupations
terriblement prosaïques. J'ai bien essayé alors de sauver ce qui
pouvait encore l'être mais la lutte était inégale : des journées bien
remplies, des idées qui débordaient de mon esprit d'un côté, des pages
qui me résistaient, des yeux qui se fermaient tous seuls de l'autre.
Des remords de ne pas me battre davantage contre ma paresse vite
devenus regrets de ne mieux réussir à mener ma vie.
Et voilà qu'en
ce moment, abasourdie par le tour que prend ma petite existence,
je retrouve en la lecture une bouée à laquelle m'accrocher, un phare
qui éclaire mes nuits, une vague qui me porte loin de tout puis me
ramène doucement sur le rivage, certaines nuits même, une embarcation
qui fait fuir la pieuvre. Certes, la reconquête n'est pas aisée : je ne
lis que passée une heure du matin, les mots m'échappent
souvent et il n'est pas rare que je relise plusieurs fois une page qui me résiste pour vraiment la comprendre.
Je peine. Je lutte. Mais que c'est bon ! que c'est beau !