Farandole et papillons
Dès son petit
déjeuner avalé, MissLou a décidé de placer la journée sous le signe des
animaux, organisant sur la table de la salle à manger une longue
farandole pour ses petits animaux en bois. Je l'observais du coin de l'œil en rêvant au jour où je l'emmènerais voir la grande galerie de
l'évolution au Museum d'Histoire Naturelle, quand je me suis souvenue
qu'ici-même nous avons un joli musée des papillons. Sans rien dire à ma
future entomologiste de crainte que mon projet ne puisse se réaliser,
j'ai préparé mentalement notre petite sortie et je n'ai eu alors de
cesse d'attendre la fin de la matinée, puis le déjeuner, puis la sieste,
puis le goûter pour la lui proposer.
Le ciel était encore bien bleu
mais il commençait à rosir à l'horizon. Il faisait moins froid que ces
derniers jours mais Pacsette nous a quand même déposées en ville en
voiture. Nous avons croisé quelques acheteurs frénétiques qui ne
pouvaient se passer de faire les soldes un dimanche mais, plutôt que de
les suivre, nous avons pénétré dans cet immense bâtiment que j'aime
tant, ancienne église médiévale détruite par les espagnols au XVIè
siècle, réédifiée au XVIIè, désaffectée durant la Révolution, détruite
pendant la Première Guerre Mondiale et finalement transformée en lieu de
culture. Drôle de lieu pour un drôle de musée, magnifique édifice pour
de magnifiques papillons.
MissLou fut d'abord un peu effrayée par la
solennité du lieu puisque des vestiges de l'église, notamment
d'immenses fresques et des ogives, subsistent et sont mêlées à un style
néo-gothique, invitant à un soudain recueillement. Elle fut ensuite
impressionnée par la majesté du vieil escalier et par sa douce
obscurité, au point de ne plus oser avancer. Nous sommes alors entrées à
tout petits pas dans l'espace consacré au musée et avons découvert des
milliers de papillons ainsi que quelques autres insectes. Nous avons
admiré leurs couleurs, les dessins de leurs ailes, nous avons comparé
leurs tailles, du minuscule papillon asiatique à l'immense papillon
brésilien. Nous avons également regardé les libellules et les Hercules.
La petite fille a demandé que je la porte pour mieux voir les vitrines
placées en hauteur. Elle a suivi avec son doigt sur la vitre le contour
des ailes du seul papillon tout rouge de la collection. Elle a demandé
comment pouvait voler ce superbe papillon aux ailes transparentes. Je lui ai épargné les immenses mygales mais elle a bien remarqué les pinces des scorpions.
Puis elle s'est installée sur le petit coffre et a colorié un dessin de
papillon qui semblait l'attendre là depuis ce matin, auprès des crayons
de couleur bien taillés.
Quand nous sommes ressorties, la nuit
était complètement tombée et nous avons une dernière fois regardé la
façade de ce bel endroit, discrètement illuminée par des dizaines de
toutes petites lumières. J'ai réajusté le bonnet de ma petite fille et
elle a pris ma main. Nous avons regardé les monuments auquel la nuit
donnait une nouvelle allure que nous ne connaissions pas. Nous avons
traversé la ville, puis le grand parc. Malgré sa peur du noir, MissLou a
marché bien vaillament et nous avons chanté pour lui donner un peu de
courage. Je lui ai réexpliqué ce qu'est un musée, je lui ai énuméré les
autres musées de la ville, notamment celui d'art. Nous
avons longé les longues rues désertes puis enfin tourné dans celle qui
mène à la nôtre. J'avais l'impression de rentrer de voyage, tant cette
petite sortie avait été dépaysante.
Elle était bien contente tout de
même de retrouver sa maison pleine de lumières, sa Mimi, sa petite sœur, son doudou. Elle a fièrement donné son dessin à sa Mimi. Et
lorsque je lui ai déposé un dernier baiser en la couchant, elle m'a dit La prochaine fois, on ira voir les peintures.