Et soudain, le doute
Nous étions une petite bande d'amis, comme on en trouve rarement dans sa
vie, encore plus rarement à son travail. Et pourtant. Les aléas des uns
et des autres ont voulu que trois d'entre nous, suivis de nos conjoints
respectifs, demandent une mutation la même année, chacun pour un petit
coin de France différent. L'une fut immédiatement très heureuse de sa
nouvelle vie ; Pacsette et moi, bien que dans l'expectative, étions loin
d'être insatisfaites du lieu où d'autres avaient choisi de nous faire
vivre et dont nous ignorions jusqu'à l'existence quelques mois
auparavant ; deux de nos amis, les malheureux, ont maudi leur
affectation, se lamentant de son isolement, de son éloignement de ce
dont ils avaient tant rêvé.
Le temps a passé, les années se sont
écoulées plus ou moins paisiblement pour les uns et les autres. Nos amis
insatisfaits ont bien tenté de migrer à nouveau mais ce fut en vain
tandis que Pacsette et moi, plutôt contentes de notre affectation à
l'époque, commencions à estimer que nous avions fait notre temps ici et
que le moment était venu de repartir en arrière, de rentrer à la maison.
Et
puis hier soir, au détour d'une conversation téléphonique, nos amis
malheureux nous apprennent que, finalement, ils se sentent bien là-bas,
qu'ils envisagent de s'y installer définitivement, qu'ils sont même à la
recherche d'une maison à acheter.
En quelques secondes, LE doute
s'est faufilé en moi, se posant confortablement dans mon esprit,
instillant son venin dans tous mes pores, accélérant les battements de
mon cœur, faisant suer mes mains ... Si même nos amis apprennent à aimer
ce coin qu'ils ont voulu fuir dès la première seconde, pourquoi, nous,
éprouvons-nous aussi fortement ce besoin de quitter cette ville que nous
avons désirée ? Sommes-nous donc incapables de nous adapter quelque
part ? Traînerons-nous ce malaise partout où nous irons ? Voulons-nous
réellement changer de ville ou ... changer de vie ? changer de nous ??
Après quoi courons-nous ? et surtout : l'attraperons-nous un jour ?