Siestes sur ordonnance
Se dire qu'il y a
déjà eu des creux. Que ce n'est pas la première fois. Oublier que je
l'ai senti venir et que je n'ai pas su l'éviter. Ne pas se répéter que
j'espérais terminer quand même la semaine et que je n'ai pas franchi le
seuil du mardi. Ne surtout pas se demander pourquoi, pourquoi encore. Ne pas penser aux obligations, s'imaginer libre. Un peu.
Croire
que c'est passager, qu'il ne peut en être autrement. Croire à tout prix
que ça va revenir, l'énergie, le sourire, l'envie, tout ça. La foi
aussi un peu. Sourire de l'ordonnance du médecin : "Des siestes. Des
vraies. Mettez-vous sous la couette, oubliez tout, dormez. Jusqu'à la
fin de la semaine." Fermer les yeux bien forts et résister à l'envie de
tendre les bras à la petite fille qui traverse la chambre au petit matin
et dit tout bas à sa sœur "Chut ! maman dort, Lilise !". Caresser le
chat qui s'est autorisé à venir se lover sur mon ventre, tout chaud,
tout ronronnant, tout apaisant. Garder les yeux fermés et laisser mon
esprit divaguer vers une vie imaginaire, surtout le tenir loin des
ravins de la pensée. Ecouter
les bruits de la maison, feutrés par la porte fermée. Attendre de
retrouver la force d'y entrer, de reprendre sa place. Ne pas montrer que
les cris des petites demoiselles toute joyeuses de me voir font piquer
mes yeux.
Espérer que demain, déjà, ça ira mieux.